samedi 14 mars 2009

La vie de chantier continue.

3/

Hip était sorti comblé de son cours de Français. Enfin, on demandait aux élèves d’accomplir un vrai travail de création.
- Ecrivez un texte de fiction dans lequel vous incarnerez le personnage principal ou secondaire. Mais attention, ne me faites pas le remake de Superman ou de Ma sorcière bien aimée. Inspirez-vous peut-être de choses vécues, ou inventez des situations. Comme vous le savez, Primrose, l’écrivain dont vous avez lu le livre au premier trimestre, viendra dans notre classe la semaine prochaine pour dialoguer avec vous.


Après les cours, Hip se rendit à la librairie du Furet du Nord, dont l’entrée donnait sur la Grand Place. Le prof lui avait conseillé de lire le livre de Primrose. Mais Le miroir incassable n’était plus disponible en rayon, ni en grand format, ni en édition de poche. La libraire lui demanda s’il désirait commander l’ouvrage mais le garçon lui expliqua qu’il en avait besoin maintenant.
- Primrose doit venir dans notre classe, dit-il.
- Tu es au collège Anatole France ?
- Oui, répondit-il. En cinquième B.
- Alors tu dois t’appeler Hippolyte.
- Oui…
- Et tu dois aussi connaître ma fille, Sophia.
- Oui…
- Elle a lu le livre au premier trimestre, on peut te le prêter, si tu veux. Tu n’as qu’à passer le prendre à la maison.
La libraire lui nota l’adresse sur un post’it. Lorsqu’il sortit, Hip était cramoisi comme un piment. L’enfer du rouge !
A ce sujet, il aimerait consulter un médecin pour lui parler de cette sensation de visage brûlant qui l’handicapait. Dans ces moments, il a envie d’enfouir sa tête sous terre. Il existe forcément un traitement pour ce genre de trouble.

Il tourna en rond dans la ville. Non, il ne se voyait pas sonner chez Sophia pour lui réclamer le bouquin. La veille, elle l’avait snobé devant l’hôtel. Hip l’avait invitée mais elle avait continué son chemin. Il n’avait pas aimé son attitude. Je n’aurai qu’à dire que j’ai perdu le post’it avec l’adresse, songea-t-il, au cas où on lui demanderait des explications. En même temps, cette histoire n’avait aucune importance. La mère de Sophia lui avait proposé cette solution par gentillesse, c’était tout, ce n’était pas une affaire d’état. Si elle avait deviné son prénom à la librairie, c’est que Sophia avait dû lui parler de lui, de ce nouvel arrivant dans la classe, venu de nulle part, un chauve étrange, moche comme un alien. Hip connaissait ce genre de réaction épidermique à son alopécie précoce. Certaines personnes ont peur de tout ce qui touche de près ou de loin à la maladie. D’ailleurs, le prof l’avait regardé bizarrement le premier jour.
Il se débrouillerait seul pour trouver le livre. Les librairies ne manquaient pas ici. Il entra chez plusieurs bouquinistes. Ils possédaient quelques livres de Primrose, mais pas le miroir incassable. Quelqu’un lui donna l’idée d’aller dans une bibliothèque, mais dix-huit heures venaient de sonner, et le garçon trouva porte close.
Il avait tourné mille et une fois dans le secteur et commençait à se familiariser avec les rues et quartier jouxtant le centre.
A un moment, rompu, il s’assit sur les marches de la poste centrale et sortit de sa poche un chausson aux pommes ratatiné.
C’est ici, depuis sa place, observant le ballet des pigeons, que son regard heurta le portefeuille anthracite, collé au macadam comme une moule. Quelqu’un venait sans doute de le perdre et le garçon regarda autour de lui avant de s’en emparer. Son geste avait été rapide. Il s’était penché tout en marchant pour le ramasser. Que faire maintenant ? La personne l’avait surement laissé tomber au sortir de la poste, et le mieux était probablement d’aller le restituer à un guichet. Dans le grand hall, une queue piétinait. En essayant de se frayer un passage pour atteindre un guichet, Hip déclencha une émeute. Penaud, il gagna la sortie, en se disant qu’il reviendrait le lendemain matin, lorsqu’il y a moins de monde.
Pour l’heure, il devait rejoindre ses parents à l’opéra.

***

Le théâtre était fermé au public, mais une fois à l’intérieur, en passant par l’entrée des artistes, derrière le bâtiment, la ruche fonctionnait à plein régime. L’orchestre jouait, les éclairagistes s’affairaient dans les cintres, le metteur en scène expliquait au chœur comment bouger sur scène. Une équipe de télévision essayait le plus discrètement possible de capter quelques moments de la répétition.

Le garçon se repéra parfaitement dans les coulisses. Les théâtres à l’Italienne étaient souvent construits à l’identique. Depuis le fond de scène, on pouvait accéder à la salle par deux issues, l’une côté jardin, et l’autre côté cour.
Au parterre, les rangs de fauteuils vides évoquaient une armée de velours au repos. Pour la place, Hip n’avait que l’embarras du choix. Il choisit un siège au premier balcon qui offrait une vue plongeante sur le plateau et la fosse d’orchestre.
Ses parents chantaient ce fameux duo du deuxième acte, entre Tosca et Scarpia. Le garçon les écouta un moment. La musique les transcendait. Ce n’était pas exactement sa mère ni son père qu’il avait en face de lui, mais des personnages ambigus, doubles, évoluant à la frontière de la fiction et du réel. Leur voix exprimait leur nature profonde, par le timbre et l’intensité, tout en se mettant au service d’une musique et d’une histoire. Chaque fois, selon l’œuvre, père et mère devenaient des statues mouvantes.
Mais le chef arrêta plusieurs fois la scène, parce que l’orchestre pressait le tempo tandis que le chœur ralentissait, à cause d’une clarinette trop timide, des basses trop lourdes, des alti en retard d’une croche, ou des violons approximatifs dans l’aigu…

L’esprit de Hip était ailleurs. Tout en faisant mine d’écouter, il fouillait subtilement dans le portefeuille. Ses doigts venaient de palper une liasse de billets. Dix Billets de 100 euros. Cela faisait 1000 euros ! Il continua son inspection à la lumière de sa veilleuse de portable et déchiffra le contenu des papiers d’identité : Marguerite Delange, née le 8 octobre 1920 à Nice, habitant 3 rue du Four... Hip fit rapidement le calcul : Marguerite Delange avait quatre-vingt dix ans. Du dinosaure, plus âgée que sa mère et son père réunis !
Il y avait aussi des photos, des tickets de bus, une ordonnance médicale, des timbres, une carte de fidélité à un salon de coiffure.





4/
Delphine, sa mère, était dans tous ses états à cause d’une robe trop serrée qui l’empêchait de respirer. - - C’est un opéra, pas un défilé de mode ! J’ai besoin de mes poumons pour chanter. Il est hors de question que je continue dans cet habit taillé trois tailles en dessous !
Nicolas l’avait calmée en lui disant que la chose serait arrangée dès le lendemain. Le meilleur costumier n’était pas infaillible. Elle bouda et se coucha à neuf heures avec un roman. Nicolas s’installa devant un match de foot à la télé avec sa partition sur les genoux, et Hip l’observa en train d’étudier son rôle tout en suivant la rencontre sportive. Ses parents n’avaient pas la même façon de gérer le stress de la scène. L’une se réfugiait dans le sommeil, l’autre préférait la compagnie d’un match. Mais tous deux poursuivaient un même but : être prêts le jour J, comme des sportifs. La voix était un terrain fragile. Le larynx un organe parfois capricieux. Et les chanteurs devaient apprendre à maitriser leur émotion dont l’intensité pouvait influer sur la qualité du timbre vocal. Pas de courant d’air, pas d’humidité excessive, pas trop de sécheresse non plus, avec en sus une alerte rouge concernant l’air climatisé, responsable d’un tas de maux dans le système respiratoire.
Hip avait appris à vivre au milieu de ces tourments d’émotions et il se demandait parfois comment cela se passait chez les autres, dans les familles normales, sédentaires, réglées comme du papier à musique.
Compte tenu de la bougeotte inhérente au métier de ses parents, Hip possédait un statut d’itinérant, comme les enfants de mariniers. Il pouvait intégrer ou quitter des établissements scolaires en cours d’année, selon l’endroit où ses parents devaient s’installer pour préparer un nouvel opéra. Le garçon avait déjà vécu dans plusieurs capitales européennes, au Canada, aux Etats-Unis, en Australie, et même en Amérique du Sud. Chaque fois, il incorporait une école française, continuant bon an mal an ses études, pendant que Delphine et Nicolas, engagés par le théâtre, replongeaient dans de nouveaux rôles, de Haendel à Brecht, en passant par Mozart, Bizet ou Verdi.

***

Il avait trouvé le livre de Primrose posé sur sa chaise. Sur la page de garde, au feutre orange, était inscrit « Sophia Berthier, 5ème B ». Hip se retourna pour la remercier mais la jeune fille discutait avec sa voisine pendant que le prof rendait des copies. Le garçon eut l’impression qu’elle évitait de croiser son regard. Il aurait préféré qu’elle lui donne directement le bouquin au lieu de le déposer là, sur son siège. Mais il comprenait parfaitement. Il avait l’habitude. Sophia avait honte, c’est tout, honte de lui adresser la parole devant les autres. L’autre jour, sur la Grand Place, elle n’avait pas eu le choix, seul un élan de politesse l’avait poussée à lui parler, à lui demandait où il habitait. Aujourd’hui, c’était une impulsion de pitié qui avait encouragé son geste, sans compter que sa mère avait dû insister pour qu’elle n’oublie pas de lui ramener le recueil de nouvelles de Primrose. Hip imaginait les mots de la libraire : « Ce pauvre garçon me fait pitié avec son bonnet tricoté sur la tête. »

***

Primrose arriva avec des lunettes rondes et un manteau noir. D’ailleurs, tout était noir chez lui : la pantalon, la chemise, les chaussettes, même la petite bague autour de son auriculaire. Il prit place sur une chaise posée à son intention sur l’estrade, et se présenta d’une voix douce et éraillée. Ses mots étaient simples, souvent familiers. Il n’avait rien d’un prof. Lui-même expliqua qu’il n’aimait pas l’école, et que ce matin, en franchissant la grille du collège, il avait éprouvé une certaine angoisse. Tout le monde se mit à rire et la prof frappa dans ses mains pour rétablir le silence. Les questions préparées fusèrent : sur son travail d’écrivain, ses sources d’inspiration, sa vie…
Quelqu’un dans la classe, qui avait effectué des recherches à son sujet sur internet, lui demanda pourquoi il avait choisi un pseudonyme. Quel intérêt de se cacher derrière un nom d’emprunt ?
L’auteur n’essaya pas d’esquiver la question et répondit avec une simplicité toute désarmante qu’il avait dès son premier livre choisi Primrose comme nom de plume, seulement parce que cela l’avait séduit d’avoir le droit de changer d’identité en écrivant. Racontait-il la vérité ? Quel crédit pouvait-on accorder à quelqu’un qui n’existait pas réellement, seulement sous un nom qui n’était pas le sien. Primrose raconta qu’il avait beaucoup voyagé et tâté de divers petits boulots avant de se consacrer à la littérature, mais dès que les questions devenaient trop intimes, il s’en tirait par une pirouette.
Hip eut envie de lire son livre. Ce n’était pas la première fois qu’il rencontrait un auteur, ses parents connaissaient des écrivains, mais Primrose, derrière son apparente simplicité, dégageait quelque chose de mystérieux. Ce type écrivait-il des choses sombres, aussi tristes que ses vêtements et son sourire de chien battu ? En fait, durant cette rencontre, l’auteur n’avait rien dit de lui. Il s’était exprimé sur son travail d’écrivain et sur rien d’autre. Sa vie privée était restée dans l’ombre. Primrose était-il un agent double, doté d’une personnalité obscure ? Avait-il quelque chose à se reprocher ? La classe était enthousiaste cependant, la prof aussi. Hip se reprocha de voir le mal partout. C’était peut-être parce que lui-même ne se sentait pas très bien dans ses baskets.
En sortant de cours, une voix résonna dans son dos :
- Tu vas le lire ?
Il n’y avait aucune animosité dans la question de Sophia. Au contraire, elle le regardait comme s’il avait les deux jambes dans le plâtre. Mais le garçon, surpris, esquiva le dialogue en haussant les épaules. Il avait pourtant envie de lui dire qu’il n’avait pas apprécié cette façon de glisser discrètement le bouquin sur sa chaise, qu’il n’était pas un pestiféré, il l’avait précisé le premier jour, sa calvitie n’était pas contagieuse. Il trouvait que Sophia avait l’air d’une infirmière, de sa pitié il n’en voulait pas. Non, il avait passé l’âge de jouer au poupon cassé avec les filles.

Hip nourrissait le projet de suivre des cours par correspondance, via le net. Ses parents n’étaient pas contre. Une question cependant : était-il prêt à passer ses journées seul, alors qu’au collège, il pouvait se faire des amis. La réponse avait été oui. De toute façon, il avait toujours eu un mal fou à nourrir les amitiés. Il ne savait pas si cela venait de lui ou des autres. Il passait probablement trop de temps à composer de la musique dans sa tête de martien.

***

Hip écoutait le bruit de ses propres pas sur l’asphalte. Il n’y avait que lui dans la rue somnolente, au-delà de la gare, quartier des entrepôts laissés en friche.
L’immeuble en briques tenait encore debout. Certaines fenêtres étaient murées et il ne restait plus qu’une boite à lettres avec un nom accolé. Marguerite Delange. Hip hésita. Il pouvait glisser le portefeuille dans la fente puis s’en aller. La vieille dame aurait la surprise de retrouver ses papiers et son argent. Mais le garçon remarqua que la serrure de la boite était cassée. N’importe qui pourrait l’ouvrir et se servir. Sur l’étiquette jaunie était indiqué : 6ème étage. Hip fut partagé entre grimper les marches ou prendre l’ascenseur. C’était un vieux modèle en bois, avec des barreaux coulissants. Une vraie pièce de musée, la même que dans les films noir et blanc. La cabine tanguait, pareille à une barque. Elle s’éleva dans une musique de grincements, façon train fantôme. Une fois au sixième, le rideau métallique menaça de ne pas s’ouvrir et le garçon eut la peur de sa vie. L’espace d’un court instant, il visualisa le scénario catastrophe, la nuit passée dans la cabine avec le vide sous les pieds… Mais il fallait seulement un certain temps pour que le système de déverrouillage soit actif. Hip poussa un soupir de soulagement lorsqu’enfin il put s’extraire de la cage. Je descendrai à pieds, songea-t-il.

Le sol du palier était maculé de fiente et de plumes d’oiseaux. Le vasistas était ouvert à hauteur du toit de l’immeuble voisin. C’était un très vieux bâtiment laissé dans son état d’origine. Tout, depuis les murs décrépis jusqu’à l’ampoule grillée du plafonnier, respirait l’abandon. Dans un coin, Hip aperçut un chat crevé. Bienvenue au manoir hanté ! Il faillit redescendre lorsqu’une porte s’ouvrit sur le palier. Une petite femme ridée apparut.
- J’ai entendu du bruit, dit-elle. Je pensais que c’était le jeune homme… pour mon appartement. Vous le connaissez ? Vous êtes un ami ?
Comme toute réponse, Hip lui tendit le portefeuille.
- C’est bien à vous ? Je l’ai trouvé dans la rue…
Elle examina la pochette en cuir comme si elle peinait à le reconnaître.
- Je pensais qu’on me l’avait volé. Je m’étais dis, tiens, c’est comme ça, un signe du destin. On me vole mes papiers, mon appartement, je n’existe plus.
Elle s’approcha de Hip pour le regarder de très près.
- Tu n’es pas vieux, toi. Viens, je dois avoir des biscuits.
Le garçon pénétra dans un appartement qui sentait le renfermé, ou le pipi de chat.
- J’allais faire du thé, tu en veux ?
Il avait horreur de ça mais n’osa pas refuser. Madame Delange déposa une casserole sur la cuisinière et alluma le gaz. Le garçon fronça les sourcils. Il lui semblait qu’elle avait oublié d’ajouter de l’eau. Hip coupa aussitôt la flamme. La vieille ne s’était rendu compte de rien. Assise, elle avait étalé le contenu du portefeuille sur la table.
- J’espère qu’il ne manque rien, dit Hip. Il y avait 1000 euros...
- Oui, je retire tout en début de mois. Comment t’appelles-tu ?
- Hippolyte.
Elle posa le doigt sur une photo dentelée.
- C’est mon fils... c’est la seule photo qui me reste de lui. Il avait 18 ans. Cela va faire trente ans que je ne l’ai pas vu.
- Pourquoi ? demanda Hip.
La vieille femme ferma les yeux.
- Un jour, il a été surpris en train de voler dans la caisse de la librairie où il travaillait pour se faire un peu d’argent de poche, pendant ses études. Il nous a juré qu’il comptait le rendre le lendemain. Mais mon mari, qui était un père très sévère, l’a mis aussitôt à la porte.
Marguerite Delange prit la casserole vide et fit mine de verser de l’eau dans la théière. Visiblement, elle ne se rendait pas compte de ce qu’elle faisait.
- Ca a été terrible pour moi, reprit-elle. Je n’ai rien pu faire. Tout s’est passé très vite. Je m’en veux aujourd’hui. Je n’ai pas cherché à discuter avec lui, à comprendre pourquoi... Je n’ai fait que suivre les impulsions de mon mari. Du jour au lendemain nous nous sommes retrouvés sans enfant. Nous pensions toujours qu’il allait revenir. Puis le temps a passé. Un an, cinq ans, 10 ans, 20 ans... Mon mari est mort sans avoir revu son fils. Regardez, c’est lui sur l’autre photo. Ils se ressemblent, n’est-ce pas ?
Hip regarda attentivement le cliché. Il avait l’impression d’avoir déjà vu cette tête. Un visage banal, deux yeux, un nez, une bouche. Peut-être quelqu’un dans un train ou un avion, un réceptionniste d’hôtel. En tous cas, il ne pouvait pas avoir croisé l’homme de la photo, car le mari de la vieille femme était mort depuis trop longtemps. Elle reprit le cliché et le reposa précieusement sur le buffet. Puis elle plaça d’autorité un billet de cent euros dans la poche du garçon.
- Non merci, madame, répondit Hip en lui rendant l’argent. Je ne veux rien. Ca m’a fait plaisir de venir. Je suis content que vous ayez retrouvé vos papiers.
- Tes parents t’attendent ?
- Oui...
- Ils ont de la chance. Moi, je donnerais ma vie pour revoir mon fils. Ses habits sont toujours dans le placard. Je me dis qu’un jour il reviendra les prendre. Il est peut-être marié. Il a peut-être des enfants. Je ne sais rien de lui. Rien...
Hip se dirigea vers la porte. Madame Delange lui emboita le pas.
- C’est très rare de croiser quelqu’un d’honnête aujourd’hui. Mais toi, je le vois, tu n’es pas comme les jeunes d’aujourd’hui, n’est-ce pas ?
Hip acquiesça en rougissant. La vieille femme avait tout de suite vu qu’il n’était pas effectivement comme les autres : il était chauve, il portait un bonnet tricoté.
- Viens me voir de temps en temps, continua-t-elle. Je m’ennuie toute seule. Tu viendras ?
- Oui...
- Promis ?
- Oui, je vous le promets.
- Si jamais je ne suis pas là, tu me trouveras au Lavomatic au coin de la rue, d’accord ?
- D’accord.
- Merci encore pour les courses !
- Quelles courses ?
- Tu n’es pas le livreur de Monoprix ?
- Non, je suis venu vous rendre le portefeuille que vous aviez perdu.
- Ah oui, c’est vrai. Tu veux encore une tasse de thé ?
- Non merci !
Il descendit les escaliers calmement. Par endroits, certaines lattes de bois étaient manquantes, laissant entrevoir le vide dessous. Décidemment, cet immeuble avait besoin d’une sérieuse rénovation.

Au bout de la rue, Hip ne remarqua rien qui ressemblait de près ou de loin à un Lavomatic. A l’angle, se tenait une boutique fermée dont les vitres avaient été brisées, et en face, un bar-tabac était flanqué d’une banderole : « cessation d’activité ».

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